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21 février 2006

>>> "Marie Claire" comme de l'eau de boudin !

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By Brigitte Denis et Yves Rebours

A l’occasion de la «Journée de la femme», le magazine Marie Claire va crouler sous les honneurs. Mais derrière ces fastes et ces falbalas, se cachent des réalités nettement plus graves et sombres. Si vous surfez sur le site de Marie Claire vous y trouverez cette proclamation de foi : «Marie Claire s’engage»

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«Marie Claire soutient les femmes»... Vraiment ?  Y compris les femmes-journalistes ? Y compris celles de Marie Claire ? Les journalistes de Marie Claire sont-elles en droit d’attendre respect, dignité et confiance de la part de leur direction ? Peuvent-elles s’indigner lorsqu’elles se sentent insultées, humiliées et maltraitées ? Peuvent-elles s’interroger sur leurs conditions de travail, sur les graves dysfonctionnements qui sont constatés dans tout le magazine ? Ont-elles le droit de s’inquiéter lorsque l’indépendance qui leur est due en tant que journaliste n’est pas seulement menacée mais régulièrement bafouée ? Leur permet-on de constater que tous ces dysfonctionnements, ces atteintes à leur déontologie ont abouti à un véritable gâchis humain et une énorme gabegie financière ? Manifestement, non.

Pour les huit journalistes qui refusent de se taire et de se soumettre, la sanction est tombée, absurde, sinique et scandaleuse : un licenciement pour l’exemple, venant après bien d’autres dans le Groupe Marie Claire.
Mais qu’importe puisque le magazine Marie Claire va être fêté et honoré par deux vénérables institutions de notre belle république. Ainsi, le 21 février, Tina Kieffer et le magazine Marie Claire organisent une conférence de presse en les salons de l’Hôtel de ville de Paris pour promouvoir «La rose Marie Claire» : une opération humanitaire de grande envergure «pour que toutes les filles aillent à l’école et deviennent des femmes libres.»

Sauf qu’à Marie Claire, même quand elles sont allées à l’école, les journalistes ne sont pas libres. Dans la présentation de cette vaste opération, on peut lire ceci dans Marie Claire (numéro de mars 2006) : « Le monde est-il (re)devenu aussi fou que dans de nombreux pays les femmes n’ont pas le droit de penser » Doit-on en déduire que le monde de Marie Claire est devenu tellement fou qu’il interdit à ses journalistes de penser ?

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Le 7 mars, à l’occasion de la «Journée Internationale de la femme», Mr Jean Louis Debré (Président de l’Assemblée Nationale ) fera projeter dans les salons de l’Hôtel de Lassay un documentaire sur « Les années Marie Claire ».
Un documentaire ou publireportage « à l’intiative de Marie Claire » et à la gloire de ce journal ? Y verra-t-on les six années «Tina Kieffer » qui l’ont dévoyé ? Y entendra-t-on ce que les journalistes et les salariés ont à dire sur les coulisses de ce magazine ?
Après ce licenciement pour l’exemple, la chape de plomb et l’omerta risquent bien de tomber à nouveau sur Marie Claire.

Des brassées de roses et beaucoup épines

Avant la promotion du documentaire à l’Assemblée Nationale, cette invitation la Mairie de Paris, pour le lancement de l’opération «la rose Marie Claire» : «Tina Kieffer et le magazine Marie Claire vous convient à une conférence de presse pour découvrir la grande opération La rose Marie Claire, ses prestigieuses marraines, ses partenaires, ses actions - Le 21 février à 9h30 précises à la Mairie de Paris et en présence de Madame Anne Hidalgo première adjointe du Maire de Paris [...] Merci aux journalistes de s’accréditer auprès du service de Presse de la Mairie de Paris [...] Cette invitation sera demandée à l’entrée.»

L’opération humanitaire consiste à vendre des roses qui - marketing oblige - portent le nom de la «marque» dont elle assure ainsi la publicité . La «rose Marie Claire», apprend-on, sera «vendue 3 €, dont la moitié est reversée aux associations, la Rose Marie Claire vous attend du 1er au 15 mars dans les magasins Truffaut, Botanic, dans la plupart des boutiques Caroll et dès aujourd’hui sur le site BeBloom» [Où les roses s’achètent par 10 pour 30 € ...]
Cette opération bénéficie du soutien de «nos stars», lit-on dans le magazine : «Le 8 mars, ces petites filles vont offrir une rose aux femmes libre qu’elles sont devenues.» Et d’illustrer cette annonce par des photos de Claire Chazal, Isabelle Adjani, Axelle Red, Laetitia Casta et Monica Belluci.

Cette opération se fixe deux missions :
->«Des bourses [mais combien ?] pour les jeunes filles défavorisées en France, en partenariat avec l’association “Un regard, un enfant”»
-> «Une école pour les petites filles du Cambodge, en partenariat avec l’association “Toutes à l’école !”».

Or il se trouve
-> que la première association est parrainée par Corinne Touzet (Comédienne) et... Tina Kieffert (Directrice de la Rédaction de Marie Claire)...
-> et que la deuxième association est présidée... par Tina Kieffer. A quoi il faut ajouter que l’une des vice présidentes est Catherine Durand, rédactrice en chef adjointe de Tina Kieffer à Marie Claire. Et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, c’est Catherine Durand qui rédige (toute déontologie mise de côté) l’article de présentation de l’association dans Marie Claire.

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On peut donc lire ceci sur le site du magazine : «Lorsque, après le génocide, il a fallu trouver des enseignants parmi les survivants, on a dû se contenter d’un seul critère : "Etre un adulte sain d’esprit"», rappelle Tina Kieffer, présidente de l’association "Toutes à l’école !", qui voue au Cambodge une véritable passion, la cadette de ses cinq enfants venant d’un orphelinat de Phnom Penh.»

Soit. Mais, comment dissimuler le malaise (le terme est faible...) que suscitent une telle personnalisation et la mention - à quelle fin ? - de l’existence de cette orpheline ? En tout cas, peut-être les lectrices de Marie Claire auraient-elles voulu en savoir plus sur «Toutes à l’école». Or, si l’on se reporte au site de l’association, on est étonné de découvrir que la générosité (qu’il serait indécent de mettre en cause a priori...) revêt d’étranges atours. Non seulement le site reprend ce que l’on trouve dans le magazine (à moins que ce ne soit l’inverse...), mais trois des membres du bureau, Tina Kieffer comprise, sont journalistes à Marie Claire et se présentent comme telles. Quant à sa présidence, les statuts précisent en leur article 13 que « Le Président [Tina Kieffer] est nommé pour toute la durée de vie de l’association ».

Ce n’est pas tout. Tina Kieffer, s’est répandue dans un long éditorial grandiloquent destiné à produire un miracle aux dimensions planétaires :
«A Marie Claire, nous avons décidé de lancer cette idée. En vendant des roses partout en France (et demain à l’étranger, grâce à nos vingt-cinq éditions), nous allons financer des écoles et des bourses pour les filles. [...] Pas de doute, si la Journée de la femme devient la Journée internationale de la scolarisation des petites filles, si nous décidons, toutes et tous, de soutenir cette cause essentielle en offrant autant de roses que de brins de muguet le 1er mai, le miracle se produira. Les femmes de demain seront sauvées. Et aussi, un peu, le monde.» Un peu seulement ?

Comment taire les multiples questions que soulève la lecture des onze pages consacrées à cette opération bizarre qui mélange des genres difficilement compatibles : aide humanitaire, journalisme de connivence, promotion de la «marque» Marie Claire et de ... Tina Kieffer ?

D’opulents annonceurs et du journalisme au compte goutte

Les opérations de promotion de Marie Claire, le film documentaire et surtout l’aide humanitaire (dont les partenaires médias sont TF1, Chérie FM, L’Express), vont bénéficier d’importantes retombées presse, radio, télé pour rassurer les annonceurs et séduire de nouvelles lectrices. Mais que devient le journalisme dans tout cela ?
La composition du dernier numéro de Marie Claire (mars 2006) du journal est éloquente et stupéfiante.

Sur ses 342 pages, environ 150 sont consacrées à des publicités payantes, en double page ou sur la page de droite (chérie par les publicitaires), sans que la moindre mention « publicité » ne permette de les distinguer, sauf exception, des pages rédactionnelles. Tarif ? 33.000 euros la page, comme on peut l’apprendre sur le site du Groupe Marie Claire.
A ces 150 pages, il faut ajouter 107 pages destinées à divers produits de consommation qui garantissent une publicité déguisée à des marques diverses (mode, beauté, envies de, loisirs); Bref, hors publicité et consommation, il ne reste que 85 pages.
Mais si l’on ôte les pages consacrées au sommaire, à l’ours, à l’horoscope et à diverses broutilles, les 11 pages de promotion de «la rose Marie Claire» et le dossier de 10 pages d’article consacré aux produits amincissants, il n’en reste plus que 48, dont 8 pour les articles «people» (Lio et Jean-Luc Delarue) et 7 pour un article complètement photo.

En achetant Marie Claire, les lectrices disposent donc, en tout et pour tout, de 33 pages (sur 342) relevant, plus ou moins d’un travail de journalistes, et non de chargés de communication.

Après ce comptage détaillé, on peut comprendre la colère de huit journalistes de Marie Claire. Et s’étonner, voire s’indigner que l’Assemblée Nationale et la Mairie de Paris, sous couvert de fêter un «féminin» et de soutenir une opération humanitaire, croient bon de sacrer et consacrer un groupe de presse (le groupe Marie Claire) particulièrement florissant sur le plan international et une marque (la marque Marie Claire) qui fait vendre des produits de consommation de luxe dans le monde entier. Une drôle de conception de l’intérêt général.

Et un curieux conglomérat qui mêle partenariats publics et privés, médiatiques, associatifs et commerciaux. Au bénéfice de qui ? Des femmes, du journalisme ou bien de Tina Kieffer en quête de notoriété planétaire sous l’égide du groupe Marie Claire champion du libéralisme triomphant ?

>>> Lire Aussi: "Un licenciement pour l'exemple"

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